- BELGIQUE - La Belgique en quête de son avenir
- BELGIQUE - La Belgique en quête de son avenirDepuis 1970, la vie politique belge est dominée par la réforme des institutions. L’État unitaire, doté d’une législation et d’un gouvernement uniques, a fait place d’abord à un «État communautarisé et régionalisé», par le biais de deux réformes constitutionnelles consécutives de 1970 et 1980, puis à un État fédéral après une nouvelle révision de la Constitution en 1988.Cette mutation, déjà naturellement lourde de difficultés, coïncida avec la crise économique internationale, laquelle frappait de plein fouet la Belgique, pays exportateur encombré de secteurs industriels obsolètes. La politique de redressement et tout particulièrement la lutte contre le chômage pesaient lourdement sur le budget de l’État et les résultats restaient bien modestes. Au début des années 1990, la Belgique était toujours à la recherche d’un nouvel équilibre institutionnel, économique et financier.1. La réforme de l’ÉtatLes antinomies ethnoculturelles entre néerlandophones de Flandre et de Bruxelles, d’une part, et francophones de Wallonie et de la capitale de l’autre, déjà révélées par la question royale et par la question scolaire, s’exacerbèrent à partir de 1960. Alors que les Flamands ne cessaient de se plaindre d’être relégués au second rang au sein de l’État unitaire, les Wallons étaient gagnés par la crainte de devenir une minorité discriminée, crainte alimentée par la prédominance démographique croissante de la Flandre et par la régression économique de la Wallonie. Aussi se prit-on, de part et d’autre de la frontière linguistique, à souhaiter de plus en plus ardemment l’autonomie politique et le fédéralisme.Il fallut cependant attendre la crise déclenchée par la flamandisation intégrale de Louvain («Leuven Vlaams»), les Flamands ayant exigé le départ de l’université catholique francophone, pour qu’on commence à adapter les structures de l’État. Lors de la réforme constitutionnelle de 1970, l’État central céda une partie de ses compétences culturelles aux deux grandes communautés culturelles (la flamande et la française), qui obtinrent un Parlement, mais pas encore un gouvernement, propre. Le transfert prévu de compétences socio-économiques aux trois régions (Flandre, Wallonie et Bruxelles) ne put se réaliser, par suite du désaccord sur les limites et les compétences de la région bruxelloise.Dix ans plus tard, lors de la révision de la Constitution de 1980, les compétences des deux grandes communautés furent élargies avec les matières dites personnalisables (aide aux personnes et politique sanitaire) et elles obtinrent un gouvernement propre. La communauté germanophone, qui ne disposait que d’un pouvoir consultatif, fut dotée des mêmes institutions et compétences que les communautés flamande et française. En outre, la réforme de 1980 dota la Flandre et la Wallonie de l’autonomie régionale, avec des compétences socio-économiques, un Parlement et un gouvernement propres. Le désaccord sur le statut de la région bruxelloise subsistait.Comme les contestations «communautaires» ne cessaient pas pour autant et que la réforme de 1980 comportait des défauts et des lacunes, on convint, au lendemain de la crise politique qui suivit les élections de décembre 1987, la plus longue de l’histoire belge, de poursuivre la réforme de l’État. Pour la troisième fois en moins de vingt ans, la Constitution fut révisée. Les compétences et les moyens financiers des régions et des communautés furent élargies, la région bruxelloise obtint le même statut que les régions flamande et wallonne, et les structures et mécanismes de la coopération entre l’État central, les régions et les communautés furent améliorés et précisés.Depuis lors, l’État belge présente trois niveaux de décision:– le niveau fédéral ou central, avec un parlement (Chambre des représentants et Sénat, qui ont des compétences égales; toutefois, on prévoit une réforme du système bicaméral aux termes de laquelle un Sénat avec des compétences limitées assurerait la jonction entre la fédération et les communautés et/ou les régions) et un gouvernement qui exercent toutes les compétences qui ne sont pas attribuées explicitement aux communautés et aux régions et gèrent 60 p. 100 des ressources publiques;– le niveau communautaire, avec les communautés flamande, française et germanophone qui disposent chacune d’un parlement (Conseil) et d’un gouvernement (exécutif), compétents pour l’enseignement, la culture (arts, médias, musées, bibliothèques, tourisme) et les matières dites personnalisables (protection de la jeunesse, politique familiale, aide sociale, politique sanitaire);– le niveau régional, avec les régions flamande et wallonne et la région Bruxelles-capitale, dotées chacune d’un parlement (Conseil) et d’un gouvernement (exécutif), compétents pour l’aménagement du territoire, la politique de l’environnement, la politique du logement, la politique de l’énergie et de l’eau, l’économie régionale et le commerce extérieur (en respectant toutefois l’Union économique et monétaire), la politique de l’emploi, l’infrastructure (autoroutes, routes principales, voies d’eau), les transports publics (à l’exception des chemins de fer).Les communautés et les régions gèrent 40 p. 100 des ressources publiques. Outre leurs impôts propres, elles disposent d’une partie des recettes provenant de l’impôt des personnes physiques et de la T.V.A. perçue dans la communauté et la région concernée. La loi prévoit une coopération obligée entre les régions en matière d’autoroutes et de routes principales, de voies d’eau et de transports urbains et vicinaux transfrontaliers.Il convient de noter que, du côté flamand, il n’existe qu’un conseil et qu’un exécutif qui exercent conjointement les compétences à la fois de la communauté flamande et de la région flamande. Le Conseil flamand, le Conseil de la communauté française et le Conseil régional wallon sont composés des élus à la Chambre et au Sénat; toutefois, on prévoit l’élection directe de leurs membres. Les membres du Conseil régional de Bruxelles-capitale et du Conseil de la communauté germanophone sont déjà élus au suffrage direct.Les conseils légifèrent par décrets, à l’exception du Conseil bruxellois qui règle les matières régionales par ordonnances. Les décrets et les ordonnances ont force de loi et peuvent dès lors abroger, compléter, modifier et remplacer les dispositions légales en vigueur; toutefois, certaines ordonnances sont soumises à la tutelle du gouvernement et du Parlement fédéral afin de préserver la fonction internationale et la fonction de capitale de Bruxelles. La Cour d’arbitrage, créée en 1980, statue sur les conflits de compétences entre le Parlement fédéral et les conseils.2. La politique intérieure et les partisL’évolution du système des partis reflète l’influence croissante des clivages ethnoculturels sur le régime politique belge. Les trois partis «nationaux» ou «traditionnels» qui monopolisaient la quasi-totalité des sièges furent confrontés à partir de 1961 à la montée et au succès croissant de trois partis «linguistiques» ou «fédéralistes»: la Volksunie des nationalistes flamands, le Front démocratique des Bruxellois francophones et le Rassemblement wallon; en 1974, à l’apogée de leur puissance, ces trois mouvements enlevèrent 47 sièges sur 212 à la Chambre des représentants. En outre, les partis nationaux se scindèrent, selon leur appartenance linguistique flamande ou française, en deux formations autonomes: le Parti social-chrétien donna naissance en 1968-1969 au C.V.P. et au P.S.C., le Parti libéral en 1971 au P.V.V. et au P.R.L., et le Parti socialiste en 1978 au S.P. et au P.S. Chacun de ces six partis a peu à peu fait siens les points de vue fédéralistes des «partis linguistiques». Ces derniers, privés ainsi de leur spécificité, se mirent à régresser: lors des élections du 13 décembre 1987, ils n’obtinrent que 21 sièges à la Chambre, et 13 seulement en 1991.Comme dans les autres pays d’Europe, les écologistes apparurent sur la scène politique à la fin des années 1970; leur audience électorale s’accroîtra, jusqu’à atteindre 9,9 p. 100 des voix et 17 sièges à la Chambre en 1991. Lors des élections du 24 novembre 1991, le Vlaams Blok, un parti de tendance d’extrême droite, devint le quatrième parti en Flandre, avec 12 sièges à la Chambre.Sur le plan de la politique intérieure, les années 1970 et 1980 furent marquées par une grande instabilité. Des élections de 1971 à celles de 1991, la Belgique connut quatorze gouvernements. La parcellisation des partis, qui multipliait les litiges, l’éclatement des partis nationaux, qui empêchait la conclusion des compromis communautaires habituels, et la particratie (prédominance des partis dans les processus de décision) constituaient les principales causes de l’instabilité politique. Comme la quasi-totalité des crises étaient de nature communautaire – qu’il s’agît de réforme de l’État, des aides financières à la sidérurgie wallonne ou de la connaissance de la langue officielle locale par le bourgmestre des Fourons –, nombreux étaient ceux qui ne voyaient d’issue à la «crise du régime» que dans l’élargissement de l’autonomie des régions et communautés.La vie politique intérieure était dominée par la réforme de l’État et par les stratégies de redressement économique. Ce qui n’empêcha pas des réalisations importantes comme la fusion des communes, la réforme de l’enseignement secondaire, la révision du régime matrimonial et du droit de filiation, l’introduction de la télévision commerciale.3. La crise économique et budgétaireAprès une période de croissance lente dans les années 1950, la Belgique aborda les Golden Sixties qui durèrent jusqu’en 1974: de 1960 à 1973, la croissance réelle du produit national brut s’établit en moyenne à 5,1 p. 100 par an. Mais, à partir de 1974, la Belgique fut entraînée dans le tourbillon d’une crise mondiale durable et sévère. En 1975, pour la première fois depuis la Seconde Guerre mondiale, on enregistra même une baisse absolue de 1,8 p. 100 du P.N.B.La crise se manifestait surtout par l’aggravation du chômage: le nombre de sans-emploi passa de 105 000 en 1974 à 512 000 en 1984. Essentiellement structurel, le chômage est imputable à l’arrivée sur le marché d’un nombre croissant de demandeurs d’emploi (surtout féminins) et aux réductions d’emploi dans des secteurs vieillis comme la sidérurgie, les houillères et le textile.Les gouvernements successifs ont cherché à combattre le chômage par toute une série de mesures: création d’emplois temporaires par le gouvernement, instauration d’un «cadre spécial temporaire» et d’un «troisième circuit de travail» dans le secteur socio-culturel, pré-retraites, soutien financier accru aux secteurs et entreprises en difficulté, prises de participation de l’État, par le biais de la Société nationale d’investissement (S.N.I.), dans le capital de certaines entreprises.La lutte contre le chômage, l’aide aux entreprises et l’augmentation systématique des prestations sociales ont entraîné une croissance continue des dépenses publiques, l’aggravation rapide du déficit budgétaire (de 133 milliards de francs belges en 1976, il atteignait 571 milliards de francs belges en 1985) et une envolée spectaculaire de la dette publique: évaluée à 1 058 milliards de francs belges en 1976, elle frôlait les 8 000 milliards en 1991.La politique de redressement mise en œuvre dans la seconde moitié des années 1970 fut quasi inopérante. Le gouvernement de centre droit, issu des élections de 1981, renversa la vapeur et usa de «pouvoirs spéciaux» pour légiférer et prendre d’énergiques mesures destinées à réduire les coûts des entreprises (en freinant les hausses salariales), à limiter les dépenses publiques et à assainir la Sécurité sociale. À la fin de 1987, les premiers résultats de cette politique se firent sentir: le chômage commença à régresser légèrement et le déficit budgétaire se limita à 430,5 milliards de francs. Mais, le pays étant alors secoué par une nouvelle crise gouvernementale communautaire, le chemin vers le redressement et vers l’assainissement financier s’annonçait encore bien long.4. La politique étrangèrePetit pays, membre d’organismes supranationaux comme l’O.T.A.N. et la C.E.E., la Belgique ne peut prétendre à un rôle important dans le domaine diplomatique. Cependant, dans la «fidélité à [ses] relations européennes et atlantiques», elle a déployé de grands efforts pour l’élargissement et le renforcement de la Communauté européenne, d’une part, et pour le rapprochement Est-Ouest d’autre part. C’est ainsi qu’au lendemain de la décision de l’O.T.A.N. de placer des missiles en Europe (1979) le gouvernement belge a tenté, par des contacts bilatéraux avec les pays du bloc de l’Est, d’apporter son concours à la réussite des négociations de désarmement (limitation des F.N.I., armes nucléaires de portée intermédiaire) et au rétablissement de la détente dans les rapports Est-Ouest. La décision du gouvernement Martens de centre droit de placer également en Belgique des missiles de croisière déchaîna du reste des protestations indignées du mouvement pacifiste et des socialistes (surtout des socialistes flamands), remettant en cause le consensus traditionnel en matière de défense et de politique étrangère.Dans le domaine des relations bilatérales, les relations avec le Zaïre – l’ex-Congo belge, devenu indépendant le 30 juin 1960 – restent primordiales. À quatre reprises, au lendemain de l’indépendance, en 1964 (Stanleyville), en 1978 et en 1991, la Belgique a envoyé des troupes dans son ancienne colonie afin d’assurer la sécurité de ses ressortissants et de leurs biens.Rompues après l’intervention de 1960, les relations diplomatiques furent rétablies le 27 décembre 1961, mais il fallut attendre jusqu’en 1968 leur normalisation véritable. Par la suite, les relations connurent bien des vicissitudes, comme en 1972 lors de la «zaïrisation» des propriétés belges dans l’ancienne colonie, en 1978 après l’intervention militaire belge, qui fit craindre un instant la rupture diplomatique, et en 1985, lors de l’arrestation et de la condamnation d’un ressortissant belge qui entretenait des contacts avec l’opposition zaïroise, et qui ne fut gracié par le président Mobutu que sur intervention personnelle du roi Baudouin. Une nouvelle et grave crise se produisit à la fin de 1988, lorsque le gouvernement zaïrois manifesta son mécontentement devant la réserve belge à l’égard d’un allégement de la dette zaïroise, en dénonçant deux traités belgo-zaïrois. Les deux parties se réconciliaient en mai 1989 et signaient un accord en juillet, accord que le Zaïre rompait un an plus tard, après que les Belges eurent critiqué les incidents survenus à Lubumbashi.
Encyclopédie Universelle. 2012.